Argument vol.20 no.2 science heure post

La science, si haut perchée dans sa tour, n'est pas à l'abri des canulars et de la contrefaçon. Il y a quelques années cela a donné lieu à ce portrait dévastateur intitulé Impostures intellectuelles, de Alan Sokal et Jean Bricmont. Or, si les canulars amusent, ils devraient aussi inquiéter. La science est-elle en danger ? Signalons un autre phénomène, plus récent et provenant des États Unis, qui remet en question l'idée même de l'université comme sanctuaire de liberté intellectuelle où l'on pourrait s'enquérir de tout, au profit d'une vision engagée de l'université, qui subordonne son mandat à la poursuite de luttes sociopolitiques. Loin d'être une institution vouée à l'acquisition critique et à la transmission du savoir, les établissements postsecondaires dans leur ensemble ne formeraient que des lieux qui reproduisent eux aussi des rapports de domination exécrables. Depuis l'élection de Donald Trump, on critique à bon droit l'univers de la« post-vérité » dans laquelle vient de nous plonger la nouvelle présidence américaine. Mais ne serait-il pas pertinent de se demander si l'université n'a pas aussi, en quelque sorte, cautionné ce mouvement, elle qui verse trop souvent dans ce qu'il conviendrait de nommer la « post-science » ? C'est pour réfléchir à ces graves questions, quand bien même drôlissimes ou désolants seraient les constats, que la revue Argument a invité des chercheurs et des témoins privilégiés du monde scientifique à partager leurs observations.