Soleils suspendus
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Dans ces sept séries de poèmes, qui battent la campagne au milieu de la ville ou du lit défait, François Rioux, laissant cours à cet « esprit des verres chargé de lie » qui hante les bons vers et réchauffe le sang, propose des miniatures narratives fabuleusement prosaïques, dans un style qui passe par où bon lui semble. Scènes d'intérieur aspirées dehors; moments amoureux accélérés; natures mortes pas mortes ou ranimées; histoires où la mémoire décapsulée, les marées et les bêtes, la lumière et les choses disparues viennent en cavale éclair ajouter aux scènes esquissées, avec les chimères et les filles, et toutes les sortes d'amour.
Soleils suspendus se voue ainsi au monde immédiat de l'expérience et de la mémoire vive, à l'imaginaire, et à cette petite langue des puissances triviales et sensuelles - au langage non pas des oiseaux, mais de la poésie, battement des « rares et pauvres lettres ».
Comme chez Eugène Savitzkaya, Patrice Desbiens, Frank O'Hara ou Gérald Godin, ces poèmes disent entre autres que la seule foire d'empoigne qui vaille, ce n'est pas celle opposant anciens et moderne, mais celle qui surgit entre amis ou amants, lecteur et auteur, passé et présent, vie et langage, et qui par l'art de dire vire à la fête secrète, au conciliabule avec le temps et nos doubles.
Avec ce premier livre au ton déjà distinctif, François Rioux contribue à ce grand art simple d'une poésie narrative et lyrique résolument nord-américaine. Poèmes élusifs et flottants, qui chantent bas et déchantent, cantent et ravissent, comme des soleils vissés à la main, parce qu'il faut bien voir ce qu'on éprouve.