Nouveaux entretiens sur la pluralité des mondes
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Dans cet essai de cosmologie sauvage, je ne me suis pas adressé aux marquises et aux abbesses, comme le fit Fontenelle, mon lointain prédécesseur, en son temps. Mon public est profane et il refuse d'emblée la docte ignorance (docta ignorantia) des métaphysiciens et des mystiques, femmes savantes ou esprits crédules. Il se méfie aussi bien des mystifications dont se parent parfois les savants et les scientifiques, aussi bien que des fabulations des auteurs de science-fiction, mais il tend l'oreille souvent aux poètes, écrivains et philosophes inquiets.
La cosmologie ou théorie de l'univers est-elle possible et n'est-elle pas limitée par un horizon, l'horizon du visible ou de l'observable ? Imaginer un au-delà de l'horizon est la tâche de la cosmologie spéculative qui a remplacé la métaphysique et qui prend alors la relève de la mythologie pour inventer la scène primitive d'une mer originelle. Cette eau originaire, que l'on retrouve chez Thalès dans la philosophie grecque présocratique, n'est pas si éloignée des fluctuations du vide quantique et le mythe de l'océan primitif peut être perçu comme la matrice de toutes les cosmogonies. Mais qui n'abordera jamais les rives de l'origine ? La limite antérieure de l'origine rejoint la limite de l'horizon : toutes deux sont récessives et l'on ne peut concevoir l'univers que comme une sphère, ce qu'un autre penseur présocratique, Parménide, avait bien vu. C'est dans cette sphère que l'observateur local se tient et tient ensemble l'origine et l'horizon pour mesurer l'empan de l'univers, avec la Terre en son centre.