Le sang des arbres
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Pendant un an, de la mi-janvier à la mi-décembre, François Landry a tenu son journal d'habitant de la forêt boréale. Il y a du Voltaire chez Landry, mais son jardin n'est pas un jardin, c'est la forêt. Que voit-on arriver dans ce livre ? Rien d'autre que la vie qui existe quand le bruit du monde ne prend pas toute la place. La nature sauvage et la littérature se rencontrent plus rarement qu'on pourrait le croire. Lorsque l'auteur arpente pour nous les vastes espaces de sa mémoire, sa madeleine, comme il se doit, est un cerisier sauvage de l'île Verte. Chez cet esprit érudit qui cultive une « éthique campagnarde », la vie est ailleurs, et cet ailleurs est dans sa cour. Les sizerins blanchâtres, que son œil aiguisé sait distinguer de leur cousin flammé, le font rêver à l'île d'Ellesmere, où ces oiseaux s'en vont nicher. Le monde, même réduit aux « vestiges d'une biosphère anéantie par un consumérisme distrait mais forcené », n'en continue pas moins d'exister, et en février, lorsque les troupes russes déferlent sur l'Ukraine, « le sens de l'acte d'écrire prend du plomb dans l'aile ».
Mais sur cette planète au climat déréglé, à chacun ses catastrophes, et le 21 mai 2022, de cette serre chaude que devient la Terre surgit un derecho qui, en l'espace de sept minutes, abat les centenaires par centaines, fauchant deux hectares comme si ce n'était rien. « Une tornade détruit ma cathédrale de verdure. » Alors l'homme doit se relever. Dans ce beau et fort livre de François Landry, l'écho des destructions quotidiennes se heurte à une sensibilité d'écorché doublée d'une intelligence aiguë.