Reparer l'espace

Une blessure originelle. Trois tableaux. Quatre femmes imbriquées l'une dans l'autre, fantômes vaporeux ou reflets vivaces d'une déchirure physique et douloureusement palpable. Violence commune et pourtant étrangère. Un mal réel, mais indicible. Corps peuplés déshabités.

Dans ce jeu de miroirs déformants, les routes s'entrecroisent en même temps que les frontières de l'identité se brouillent. Parallèlement se tisse le chemin du bonheur possible sur fond d'une poésie conjuratrice.

Tout en poursuivant la trame corporelle de l'être, l'auteure s'interroge sur ce que les violences sexuelles ont modifié et constitué en nous, culturellement et philosophiquement. Elle braque un faisceau de lumière sur ce que vivent les victimes de viol, dépeignant les affres de la dépossession existentielle de soi. Derrière la fiction autobiographique, plus qu'un récit, ce bijou littéraire a valeur de manifeste.

Son corps entier avait fleuri. Il faisait jaillir des éclosions de roses de tous ses membres, de tous les lieux de sa chair. Jeanne était un corps de fleurs, entièrement ouvert aux rayons de la lumière, déployant ses pétales, ses massifs de couleurs par ondes successives, fléchissant au gré des vents.

La salissure des corps des femmes l'avait quittée à présent, elle rendait au monde la profondeur des sèves qui l'avaient maintenue en vie.