Saints, prophètes et visionnaires
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Il est loin le temps où les historiens envisageaient l'omniprésence du merveilleux et du surnaturel dans la société médiévale comme un symptôme d'infantilisme. Depuis quelques décennies, les médiévistes savent que le Moyen Age ne peut se comprendre en dehors de catégories religieuses et, surtout, ils ont appris à se faire anthropologues. Que le surnaturel envahisse la scène médiévale ne surprend plus, la vraie question se concentre sur les usages du merveilleux. C'est à explorer ces usages que se consacre André Vauchez, auteur d'un ouvrage devenu classique sur la sainteté au Moyen Age et directeur de l'Ecole française de Rome. Qu'il légitime une parole qui peut être déviante, qu'il fonde l'antiquité d'un passé, gage de vérité, qu'il soit la marque d'une élection, le surnaturel prend de multiples formes - miracles, prodiges, visions, thaumaturgie - et cette liberté finit par inquiéter les pouvoirs ecclésiastiques et royaux. Théologiens et juristes vont tenter de discipliner ce surnaturel "sauvage" en lui appliquant des critères de discernement : tout prodige ou miracle ne vient pas de Dieu. A travers cette forte présence du surnaturel, l'Occident médiéval en vient à poser la question du pouvoir : charisme contre institution, intervention divine contre puissance d'établissement. En lieu et place d'un âge de la foi béate, l'historien découvre une conscience critique qui s'interroge sur le difficile équilibre entre les fonctions : comment accorder le prêtre, le prophète et le roi ?