Risible et noir

Fin des années 90, l'époque est aux personnages « écrasés par le siècle ». Il faut tout dire et le faire maintenant, comme dans les refrains désespérés de Kurt Cobain. Il y a quelque chose de très grunge chez Moutier, dans la lucidité totale, dans ce regard cru, grinçant posé sur le monde. Ses histoires font écho aux chansons de Jean Leloup, annoncent l'imaginaire de Marie-Sissi Labrèche. Il y a aussi dans cette posture et dans le regard qui veut avaler tout, la volonté de se relier aux autres, à ses voisins, amis, aux siens aussi bien qu'aux paumés du quartier. Et surtout à Marie-Hélène, qui va, vient, ment, quitte, prie et reviendra. Le narrateur n'est jamais désengagé vis-à-vis de ceux qu'il observe de sa fenêtre à l'étage, et dans cette vie qu'il traverse comme un fildefériste. Risible et noir a la fulgurance et la puissance fascinatrice des premières oeuvres, de celles au travers desquelles l'écriture jaillit comme une force originelle.- MARIE-HÉLÈNE POITRAS